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Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir un grand-oncle de Castres

Hier, Castres disputait la finale du championnat de France de rugby face à Montpellier. Au bout de 80 minutes épiques, les tarnais l’emportèrent 26 à 18, pour ma plus grande joie.

Si de tout mon coeur je supportais Castres c’est pour une raison toute simple, toute bête : j’avais un grand oncle qui était castrais et qui m’a beaucoup marqué.

Hier, en même temps que s’égrenaient les minutes du match, me revenaient les souvenirs de ce monsieur à qui je me dois aujourd’hui de rendre hommage.

Il s’appelait Pierre Gaches et il fut l’une des rares figures masculines qui traversèrent mon enfance.

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Moi, j’étais haut comme trois pommes et il me semblait un géant.

L’image qui me reste de Pierre Gaches est celle d’un authentique homme du sud-ouest, un gabarit hors norme, une petite moustache, une faconde intarissable et le verbe haut et chantant du Tarn, une sorte de Raimu de l’Agout.

Il conduisait terriblement mal, prenait avec bonhommie les sens interdits au volant de sa vieille Citroën et avait un sens bien à lui du stationnement, serait la main à tout Castres parce que tout Castres le connaissait, détestait aller à Toulouse parce qu’il n’était pas reconnu dans la rue et risquait les contraventions que jamais il n’aurait eu sur ses terres, supportait comme il se doit le Castres Olympique, dévorais à 70 ans passés une marmite de cassoulet en plein cagnard et me renvoyait mes cartes postales en corrigeant avec bienveillance mes fautes d’orthographe.

Parce que voyez-vous, pour Pierre Gaches, vous l’aurez compris, il y avait quelques valeurs avec lesquelles il ne fallait pas transiger ! La gastronomie, l’amour de sa terre et, surtout, la langue française.

Pierre était l’époux de la soeur de mon grand-père, Antonia, que tout le monde appelait Tonie. L’homme volubile du sud-ouest formait avec la taiseuse champenoise un couple pour le moins pittoresque qui ne connu jamais le bonheur d’un enfant. Je me souviens d’eux nous accueillant dans leur lumineux appartement de l’avenue Charles de Gaulle, à deux pas du mail.

Mais avant tout, pour moi, Pierre c’était l’écrivain ! Le premier que je rencontrais !

Parce que Pierre, je l’admirais. Je l’admirais pour sa bonne humeur et sa jovialité (ce qui me changeais de la maison), je l’admirais parce que dans les rues de Castres on le connaissait et le saluait et que les flics enlevaient leur képi à son passage et je l’admirais parce qu’il y avait son nom sur la couverture de livres dans les vitrines des libraires de Castres !

Bien sûr, Pierre Gaches n’a pas laissé à la littérature française une trace immense. Il était ce qu’on appelle, avec souvent une condescendance déplacée, un écrivain régional. et son oeuvre tient moins de place dans ma bibliothèque que dans mon coeur :

2 livres sous le pseudonyme de Pierre Galan :

  • Pâquerette (1956), roman
  • Esculape et le jasmin, contes

4 récits régionaux sous son vrai nom :

  • Le petit train de Castres à Murat et à Brassac (1971)
  • La vie à Castres et à la montagne de 1900 à 1914 (1973)
  • Toulouse les jours heureux (1919-1936) (1975)
  • Le petit train raconte (1979)

Et pourtant, pour moi, à l’époque, il était le plus grand écrivain du monde !

Dans ces livres, des dédicaces. À ma mère parfois, à moi pour la plupart et ce n’est pas sans émotion que je les relis aujourd’hui : « Pour Laurent quand il sera en âge de se plonger dans des temps qui lui sembleront préhistoriques, avec affection.», « À Laurent Gauthier ces souvenirs d’un « Ancêtre » en souhaitant qu’ils lui fassent passer un agréable moment. »…

Si on écrit d’abord pour soi, je crois qu’on écrit aussi pour laisser une trace, pour ne pas être oublié. Alors Pierre soit rassuré je ne t’ai pas oublié et peut être y es-tu pour quelque chose si mon fils ainé porte le même prénom que toi, si un jour j’ai joué et aimé le rugby et, très certainement, tu es pour beaucoup si aujourd’hui j’aime tant les livres, si je recherche si souvent la compagnie des écrivains et si j’ai un immense plaisir à écrire moi-même, ne serait-ce que sur ce blog.