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Vers le Sud-Ouest et au-delà (7)

Saint Esteben, les 22, 23 et 24 juin 2018

Mon carnet de notes s’arrête au 22 juin vers 17 heures… comme dans une nouvelle de Lovecraft… et c’est de mémoire que je vous raconte la suite…

Nous fûmes 16 à arriver les uns après les autres chez les « fous du village ». 16 à s’observer avec ce mélange d’excitation et d’appréhension, comme un premier jour de colonie de vacances. 16 personnes réunies pour participer à un stage d’initiation au chamanisme.

Je pense que chacun a une idée plus ou poins précise de ce qu’est le chamanisme. Pour faire court, le chamanisme c’est entrer en communication avec d’autres dimensions par le biais de la transe. Le plus connu, le plus spectaculaire est le chamanisme sud-américain dans lequel la transe est induite par des plantes psychoactives. Rassurez-vous, ces deux jours se déroulerons sans usage de drogues, mais au son du tambour tel que le pratiquent les chamans sibériens, entre autres.
Pour la majorité des chamanismes sur la planète, le « monde invisible » se divise en 3 mondes : « Le monde d’en bas » où se trouvent nos animaux de pouvoirs, « le monde d’en haut » où se trouvent nos guides spirituels et « le monde du milieu » qui est une sorte de double du notre, le seul des trois à ne pas être absolument bienveillant.

Le but de ce week-end va être de nous initier à la transe et de nous aider à voyager dans ces différents mondes…

Les fous du village, se sont nos hôtes qui ont donné ce nom parfait à leur magnifique maison dont la photo est . Cette splendide maison d’hôte qui accueille régulièrement des stages est gérée par une petite troupe absolument charmante et accueillante. Ils ont acheté une ruine et, grâce à un chantier participatif, en ont fait en 2 ans un véritable petit paradis.

Me direz-vous, il manque un acteur principal à mon histoire… Le chaman !
Grand, mince, une musculature qui trahit une très longue pratique des arts martiaux, un sourire absolument sympathique et engageant, dégageant cette sensation physique rare de celui qui est à sa juste place dans le monde. Gorka Etxarri est, comme son nom l’indique, un homme du terroir, c’est en tout cas un homme attaché à sa terre, c’est avant tout un homme attaché à La Terre. C’est aussi un homme qui a le sens de la formule et, au cours de son enseignement toujours « simple et pragmatique » mais impeccablement rigoureux, il nous distillera de forts justes sentences dont je vous livre quelques exemples : « De tout ce que je vais vous dire, ne croyez rien, expérimentez ! », « Si vous voyez un chaman qui ressemble à un chaman, partez en courant » (il faut dire que Gorka, en jean et t-shirt ne ressemble pas particulièrement à l’image d’Epinal du chaman), « L’ayahuasca est une déesse, pas un carambar », « le chaman est un bon plouc, il ne sait rien, il ne fait, rien, c’est un os creux ». Voilà le genre de discours qui me va parfaitement ! Vous l’aurez compris, notre enseignant a un solide sens de l’humour et fait ce qu’il a à faire avec le plus grand sérieux mais sans se prendre au sérieux.

Le tableau serait incomplet si je ne vous parlais pas de Marlène, l’épouse de Gorka qui avec gentillesse, bienveillance et discrétion seconde son mari. Elle gère l’intendance, le seconde dans les cérémonies, toujours là, sans se faire remarquer, sa belle énergie contribue à la réussite du stage.

Très vite, le groupe c’est créé, nous avons échangé avec beaucoup de liberté et de simplicité sur ce qui nous avait amené là. Des histoires édifiantes pour beaucoup ! Quand je dis que le groupe c’est créé, ce n’est pas un vain mot, on sentait que chaque personne présente n’était pas là par hasard. Une belle énergie émanait de l’ensemble. J’ai rencontré à Saint Esteben de belles personnes que j’espère ne jamais perdre de vue.

Je vous raconterais très peu de ce qui c’est passé pendant ce week-end, presque rien, sachez simplement que je ressentis la première expérience comme un échec, me laissant avec un terrible sentiment de frustration. Métaphoriquement, je racontais ça comme-ça : « Les copains avaient pris l’avion, passé des super vacances avec de super souvenirs et moi j’étais resté à la porte de l’avion… tout juste avais-je reçu une carte postale. »
Les heures qui ont suivi furent difficiles et se remis en route, en moi, la petite machine à échouer que je connais si bien. Etonnement, très étonnement, la machine à échouer s’est rapidement arrêtée, elle qui d’habitude prend les commandes pour plusieurs jours de broyage de noir, a arrêté de tourner en moins de deux heures, j’avais repris les rênes (mais peut-être n’était-je pas l’auteur de tout cela ?).
la « séance » suivante fut puissante, très puissante et me laissa en larmes… et je n’en dirais pas plus quant au reste du stage.
« Juste » n’est pas particulièrement un mot de mon vocabulaire et pourtant c’est le mot qui m’est revenu le plus souvent au cours des différents rituels. « Ce qui se passe est juste ». Je ne cherche pas à plus en comprendre.

À la fin de cet incroyable week-end solsticial, on a eu du mal à partir tous, les adieux ont traîné, on s’est pris dans les bras, on s’est serrés fort, conscients d’avoir vécu ensemble un grand moment.

Je suis reparti le dimanche soir très différent de celui que j’étais le vendredi après-midi. Le même mais différent, comme me le dirent plusieurs personnes à mon retour. Différent parce que plus ouvert, plus intuitif, plus sensible aux énergies et surtout, surtout, moi l’éternel sceptique, moi le champion de l’intellectualisation, je sais (je sais, pas je crois) que notre réalité ordinaire n’est qu’une petite fenêtre sur le monde magnifique qui nous entoure.

Alors, à quoi ça m’a servi de toucher du doigt ces « mondes » me demanderez-vous ?

Je ne vais pas vous faire une réponse alambiquée en cherchant à convaincre qui que ce soit, je vais juste vous livrer des mots avec lesquels je suis reparti, des mots employés aujourd’hui à tort et à travers et auxquels il convient, non seulement de redonner leur sens, mais de les vivre au plus profond de nous comme je vais m’efforcer de le faire dorénavant .

Oui !
Juste
Bienveillance
Gratitude
Amour
Intention

Respect
Terre-mère
Rituel
Soin
Simple – Pragmatique – Sauvage

 

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Vers le Sud-Ouest et au delà (6)

Anglet – Bayonne – Saint Esteben, le 22 juin 2018

J’ai occupé ma matinée à parler avec Jane, mon hôte Airbnb. Jane est restauratrice à Bayonne et connais sa région et sa gastronomie comme sa poche… Les sujets de conversations furent faciles à trouver, entre épicuriens…
J’en profite ici pour faire l’éloge de ce moyen de se loger : louer une chambre chez l’habitant. Premièrement, le prix est souvent très intéressant et c’est souvent l’occasion de rencontres enrichissantes. Le petit sacrifice concédé à sa tranquillité et à sa solitude en vaut largement la chandelle. Et puis quel plaisir de s’adapter à la vie d’une famille qui vous reçoit plutôt que de séjourner dans un hôtel sans âme.

Déjeuner d’une assiette de chipirons à la plancha sous un soleil de plomb. À la fin du repas, j’étais presque aussi cuit que mes calmars !

Après mon repas je vais chercher l’ombre sanctifiée de la cathédrale. Près du parvis je repère un homme, la soixantaine, courte barbe blanche, bronzé, sac à dos de marcheur à son côté. Je l’accoste, il s’appelle Bernard et marche sur le chemin de Compostelle, sans la conviction religieuse, avec Claude son épouse qui nous a rejoint entre temps. Claude est infirmière psychiatrique en disponibilité, écœurée par le milieu hospitalier, très sensible aux énergies elle s’est formée comme thérapeute reiki et prodigue ses soins contre « un poulet, une paire de boucles d’oreilles ». Bernard est chauffeur poids lourd en retraite (il s’excuse presque de son ancien métier; je connais ça, la honte des sans grades) il pose sur la vie un très beau regard plein de justesse et de bienveillance. Quelle belle discussion nous avons eu ! Ils sont partis de Poitiers le 15 mai et viennent d’arriver au Pays Basque. Ils s’apprêtent à faire demi-tour car ils sont attendus dans peu de temps mais ils reviendront certainement finir le chemin. Ils n’avaient jamais marché avant. Quelle courageuse et magnifique décision ils ont pris, presque comme une évidence.
Les rencontres, l’énergie du chemin, les soirs de fatigue et les matins de joie, la magie de la marche… nous échangeons nos expériences.
Le soir de leur première étape, ils pleut, ils sont fourbus, le sol est trempé, pas un gite, rien. Ils se demandent où ils vont dormir. Ils s’apprêtent à visiter une église, la porte est fermée. Un habitant les voit, dit qu’il sait qui a les clés, il l’appelle. L’homme arrive, leur ouvre l’église pour qu’ils puissent la visiter. Il leur demande où ils comptent dormir. Voyant leur désarroi il leur laisse les clés de l’église pour la nuit en leur disant :  » Quand vous partirez vous viendrez poser les clés chez moi, le petit déjeuner vous y attendra. À ce moment ils ont compris qu’ils étaient sur le Chemin. Puis les synchronicités se sont succédées, jusqu’à notre rencontre qui est tout autant signifiante pour eux que pour moi.

À 17 heures je retrouve Elisabeth pour prendre la route en direction de Saint Esteben. Nous faisons une petite halte sympathique à la sortie de Bayonne dans un café hors d’âge pour boire une menthe à l’eau avant de partir pour l’aventure.
Nous reprenons notre conversation interrompue la veille. Au bout d’une demi heure de route, absorbé dans notre discussion, je remarque que le paysage a changé. Je l’interromps et dit : C’est quand même magnifique cette région ! Je viens de découvrir l’intérieur du Pays Basque dont je ne connais que la côte. Ces coteaux vallonnés d’un vert éclatant, ces maisons basses et belles toutes de rouge et de blanc, les sommets des Pyrénées qu’on devine à l’horizon… je viens de tomber amoureux d’Euskal Herria !

Nous arrivons une heure plus tard au hameau de Sorhaburu, devant une bâtisse imposante et belle. Un panneau de bois indique « Les fous du village », nous sommes arrivés !

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Vers le Sud-Ouest et au delà (5)

Anglet – Bayonne, le 21 juin 2018

Où l’auteur fait des rencontres  :

Elisabeth est une des participantes au stage auquel je vais participer (je vous en parlerais plus tard…). J’avais envoyé un mail à tous les participants espérant faire quelques rencontres avant le stage, Elisabeth fut la seule à répondre. Nous nous somme donné rendez-vous sur la plage. Nous avons parlé HPI, chamanisme, enfance, sexualité, éducation… on a parlé des vraies choses, quoi ! Une conversation de 3 heures ou Elisabeth a beaucoup parlé, ou j’ai beaucoup écouté, une conversation très enrichissante où nous nous sommes découverts de nombreux points communs puis elle m’a accompagné d’Anglet à Bayonne dans son mini-van et nous nous retrouvons demain pour faire le chemin jusqu’au stage (dont je vous parlerais plus tard…)

Arnaud, serveur de café au Ramuntcho. Me voyant fumer ma pipe, il me demande des renseignements et m’explique que son grand-père qui n’est plus de ce monde, lui a légué deux pipes qu’il a envie de tester. Je lui ai fait mon cours magistral sur le pétunage (art de fumer la pipe) mais j’ai surtout été touché par cet hommage tout en volutes que ce jeune homme veux rendre à son aïeul.

Franck, patron de « Destination Malt », une cave à bière qui vient tout juste d’ouvrir. Une fort jolie boutique dans une cave voutée où des bières du monde entier sont alignées comme à la parade. Une très large place est faite aux petites brasseries artisanales et c’est très chouette. On a causé bière, bien sûr, commerce un peu et beaucoup de la Belgique – Nous avons de concert vanté la gentillesse et l’affabilité des wallons.

Julien était attablé au café, un carnet de croquis sur les genoux et dessinait d’un trait sûr la ruelle typique dans laquelle nous étions. Je lui ai dit mon amour des carnettistes, qu’ils écrivent ou qu’ils dessinent, il m’a montré ces oeuvres dont certaines étaient coloriées de quelques subtiles touches d’aquarelle… tout ce que j’aime.

Au dîner, après m’être régalé d’un burger basque (lomo, oignons rouges, piquillos et pain maison) arrosé d’une bière basque et d’un patxaran, je vais au bar pour régler mon dû :
Un des piliers du comptoir m’adresse la parole en anglais… je lui répond en français.
« Tu es français toi ? mais, avec ta chemise à fleur…  Alors tu es tahitien ! »
(j’avoue sans honte une passion, que je partage avec le regretté Yvan-Chrysostome Dolto, plus connu sous le pseudonyme de Carlos, pour les chemises à fleur, qui m’aura permis en moins d’une semaine d’être pris pour un surfer puis pour un tahitien, peuple pour qui j’ai une admiration de longue date… l’habit fait presque le moine !) 
Mais revenons à la scène… Un des acolytes de mon interlocuteur, gabarit 3ème ligne de rugby, m’interpelle :
– Tu es d’ou ?
– Paris ! (je sais, ce n’est pas une réponse raisonnable…)
– Oh parisien ! Tu as intérêt à dire des bonnes choses ! Sinon nous, on te séquestre ! Ici tu es au Pays Basque !
Rassurez-vous je suis sorti sans rançon, entier et légèrement alcoolisé de cet échange finalement fort sympathique.

Il y a quelques temps mon modèle absolu d’écrivain voyageur était Sylvain Tesson, pour de nombreuses raisons mais principalement pour son côté ours (de Sibérie) et sa misanthropie qui lui faisait préférer le voisinage des plantigrades sus-nommés et des alcools forts à celui de ses contemporains.
Et bien, j’ai changé. Une maladive timidité et une méfiance outrancière (due, forcément, à une enfance difficile) que je masquait derrière une morgue dédaigneuse me quitte doucement. Je vois d’avantage « l’autre » comme une opportunité de rencontre que comme la rencontre d’un importun.
Et, si vous voulez savoir, je m’en porte bien mieux !

 

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Pour le dessin : ©Julien Ferran – instagram

Vers le Sud-Ouest et au-delà (4)

Bayonne, le 20 juillet 2018

Bayonne, c’est la carte postale ! Maisons à colombages rouges et vertes, ruelles pavées, les quais de l’Adour et de la Nive. Le plaisir de découvrir cette ville presque sans touristes.

La cathédrale est en travaux comme presque toutes les cathédrales de France mais le cloître, avec la lumière jouant dans la galerie est très agréable. Les cloîtres sont décidément une des plus belles réussites de l’architecture européenne.

À Bayonne, on entend parler basque ! Des ouvriers posant un carrelage, des personnes âgées mais surtout des jeunes, des adolescents ! L’identité basque a de beaux jours devant elle.

Et puis comme quelques fois il faut savoir s’effacer derrière l’image…

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Vers le Sud-Ouest et au-delà (3)

Anglet, le 19 juin 2018

Le TGV de 10h02, de Bordeaux Saint Jean à Biarritz est retardé de 40 minutes ! 40 minutes et la foule gronde, vocifère…
J’ai pour 2 euros supplémentaires pris un billet de première qui m’a offert trois expériences  qui valaient bien une petite pièce :
1/ Me prélasser pendant deux heures dans un énorme fauteuil rouge, quasi présidentiel.
2/ Attirer les regards de mépris, voire de dégout quand je suis entré dans le wagon avec mon short, mes chaussures de marche et mon sac à dos de routard.
3/ Vérifier le manque d’éducation des riches : les sonneries de téléphones portables et les conversations à haute voix qui vont avec sont bien plus fréquentes qu’en seconde.

À peine mon sac posé, direction la plage de la Chambre d’Amour (quel joli nom pour une bien triste histoire*), je m’installe à une terrasse face à la mer, commande une planche de charcuterie et de fromages (j’en rêvais !) avec une bière bien fraîche, je suis au spectacle : Vagues, soleil, ciel bleu, surfers, petits culs en string, paires de nichons… Anglet, c’est Copacabana !

Forte chaleur, irradiante, bienfaisante, jusqu’à l’ivresse, au trop-plein pour une ambiance début de saison, des personnes âgées et des étudiants; je suis un des seuls sur la plage à être entre 25 et 65 ans.

Un surfer m’indique avec un vocabulaire technique que je fais mine de comprendre, les meilleurs « spots » du coin. Ma chemise à fleur m’a visiblement suffit comme déguisement pour me fondre dans le décor.

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*La bien triste histoire de la chambre d’amour, telle qu’elle nous est contée par l’office du tourisme d’Anglet :
Dans les temps lointains, Laorens, pauvre et orphelin et Saubade, fille d’un riche cultivateur, s’aimaient. Ils se retrouvaient, en dépit de l’opposition paternelle, dans une grotte, face à l’immensité des vagues. Là, ils faisaient le serment de s’aimer jusqu’à la mort. Un beau jour, l’orage gronda dans le Golfe de Gascogne, et la mer monta plus rapidement qu’à l’habitude, emportant les amants. On appela «Chambre d’Amour» cette grotte qui attire, aujourd’hui encore, amoureux et curieux.

 

Vers le Sud-Ouest et au-delà (2)

Bordeaux, le 18 juin 2018

J’arrive à 10h30 sur les quais de Garonne, la plupart des grands voiliers sont déjà partis. Je les regarde s’éloigner, voiles affalées, sous un crachin breton au son d’un orchestre de la marine. Ce matin, Bordeaux a la tristesse finistérienne de la rade de Brest.

Déjeuner dans un bar à salade. Le personnel très jeune court dans tous les sens sous l’oeil des « managers ». Un côté américain assez irritant, mais les salades sont bonnes. Lu pendant tout le repas « Histoire des cocotiers », le journal d’Olivier Maulin qui est excellent de drôlerie et de pathétique, comme ses romans.
Avant de partir, j’observe deux « managers » « débriefer » un employé. Ce sérieux… cette lourdeur… quelle mascarade !

Pourquoi j’aime Bordeaux : La large Garonne et ses quais proprets, la faible hauteur des immeubles de pierre claire, l’harmonie et la cohérence architecturale, la largeur de ses nombreux cours et de ses nombreuses places, le silence dès qu’on s’éloigne des axes de circulation, ses rues piétonnes (la rue Sainte Catherine est la plus longue d’Europe), ses trams et ses vélos qui chuchotent en se déplaçant.

Assis face à la Garonne, un allemand joue, pour le plaisir, du folklore français à la vielle à roue. Des morceaux magnifiques de tristesse, de douceur et de nostalgie et pourtant, on y entend aussi toute la joie des fêtes d’antan. Les yeux rivés sur la vielle, j’admire la beauté de l’instrument, sa complexité… Elle a un étonnant parcours la vielle à roue : elle a quitté les cours royales pour arriver dans les mains des mendiants pour finir dans les bals populaires de nos campagnes. Née au moyen-âge elle serre encore aujourd’hui le coeur de ceux que les mots folklore et tradition ne rebutent pas. Pendant presque une heure j’ai regardé le vielleur vieller, quasiment hypnotisé… la roue tourne comme tournent les danseurs, comme tournent les saisons, comme tourne le monde.

Dans la rue des Remparts qui possède le triple avantage d’être ombragée, pavée et piétonne, je trouve un charmant salon de thé, « l’autre salon de thé ». Le bonheur de siroter un Tarry Souchong (délicieux thé fumé que les fonctionnaires européens ont interdit d’importation pour d’imbéciles raisons) et de déguster un parfait pavlova, le tout dans un service à fleurs à l’élégance britannique . Parfaitement installé en terrasse, après m’être régalé, je lis Maulin en fumant une pipe quand passent 8 militaires en armes et tenue de guerre marchant des deux côtés de la rue en conservant leurs distances, comme dans les films. Pittoresque décalage entre le luxe suranné du salon de thé et l’ambiance de guerre qui vient de débouler dans la rue.

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Vers le Sud-Ouest et au-delà (1)

Bordeaux, le 17 juin 2018

J’ai quelqu’un à visiter à Bordeaux. Quelqu’un qui m’a beaucoup marqué, m’a raconté tant de magnifiques histoires lorsque j’étais jeune et moins jeune, une sorte de modèle, une figure paternelle, un aventurier.

C’est au Musée d’Aquitaine que je vais le rencontrer, à l’ouverture, pour que notre rencontre se fasse dans l’intimité. Ce personnage que je me dois de rencontrer absolument pour bien débuter ma pérégrination, c’est Jack London. Une exposition lui est consacrée, plus précisément une exposition autour de « La croisière du Snark », voyage dans les îles du Pacifique que Jack effectua dans les premières années du vingtième siècle.

J’étais donc le premier à entrer dans le musée et la plus grande partie de la visite, je la fis seul, privilège rare. L’exposition est enthousiasmante; retraçant les étapes de Jack, de son épouse Charmian et de leur équipage d’Hawaii aux Marquises, de Tahiti aux Samoa, des Fidji aux Nouvelles Hébrides… Beaucoup de photos réalisées par le couple London, quelques objets des peuples rencontrées, quelques maquettes, quelques émouvantes reproductions des manuscrits de Jack…

En sortant du musée, enveloppé par un soleil radieux, je me suis installé à une terrasse de café, sur les quais, face aux nombreux grands voiliers réunis là pour quelques jours, pour y rédiger « à chaud » dans mon petit carnet ces quelques impressions que je vous livre tel quel :
Débuter cette escapade par la visite de de l’exposition Jack London fut parfait. JL reste pour moi le modèle de l’aventurier. Silhouette charpentée et sourire au charme délicat, accompagné de son épouse radieuse dans ses robes 1900. Les voir au milieu des peuples qu’ils rencontrent, pleins de curiosité et de bienveillance m’a beaucoup touché et, d’une certaine façon, rapproché d’Annie (mon épouse) : Jack et Charmian London sont à ma connaissance un des rares couples à avoir partagé l’aventure. Je pense que si l’aventure est belle quand on est seul, elle peut l’être tout autant accompagné par le femme qu’on aime.
L’esprit du large souffle déjà sur mes premiers pas dans le Sud-Ouest ! Et puis ces grands voiliers ! Symboles de l’aventure et d’une époque ou le monde s’offrait exclusivement aux explorateurs courageux.
Pour revenir à Jack et Charmian, bien sûr, je n’aurais pas leur vie, mais l’esprit qui les animait doit m’inspirer : Surpasser avec force et courage les mésaventures, vivre pleinement chaque instant, aimer, se nourrir des rencontres que la vie met sur notre chemin.

 

jack-london-with-wife-charmianJack et Charmian London sur le pont du Snark

La voie du cycliste

Monter sur son vélo. Dès les premiers coups de pédale, se fixer sur les mouvements de sa  respiration : inspir… expir… pédalage… adopter une vision globale, large… Plus d’abruti qui vous coupe la route, plus de débile qui vous grille la priorité, plus de salopard qui vous coince contre le trottoir mais des obstacles qui se présentent et que l’on évite avec une acuité nouvelle, sans jugement. Plus de rumination plus de petit vélo dans la tête, juste celui sur lequel on avance. Bien sur, on s’égare : un conducteur indélicat, une jolie fille sur le trottoir, un problème de boulot… Alors on recommence : inspir… expir… pédalage… Paris défile, le sifflement du vent, les muscles des mollets tirent un peu… on embrasse les sensations, on les laisse passer, comme les piétons sur les passages cloutés.

Notes égéennes (3)

Il est presque minuit et un vent de terre souffle à faire ployer pins et tamaris. Une mer de plomb reflète une lune presque pleine. Luminosité terne de la mer, halo laiteux de la lune et le bruit du vent.
Ce vent qui porte les histoires et les légendes. Ce soir, regardant l’Egée fantomatique et écoutant le bruit torturé du meltémi, je pense à Ulysse qui sur ces flots connu mille périls pour retrouver Ithaque. La légende est née il y a des milliers d’années et le vent raconte toujours son histoire.

Mer couleur de plomb
La sombre plainte du vent
me parle d’Ulysse

Notes égéennes (2)

Les Cyclades, Paros et Antiparos tout au moins, sont des iles montagneuses et arides que l’homme a conquis. Maisons, olivier, arbres en fleurs… la main de l’homme. Mais le sentiment qui domine ici, c’est cette sentence de la sagesse delphique :

Μηδὲν ἄγαν, Medèn ágan, rien de trop.

Ici l’homme a conquis avec modestie, justesse et humilité. Aucune ostentation dans les constructions, toutes recouvertes de blanc, aucune ne possède plus d’un étage, les routes étroites épousent le relief, les jardins et les oliveraies sont modestes, les arbustes et les fleurs apportent avec bonheur quelques touches de couleur, dans les ports les bateaux de pêche sont artisanaux, pas de monumentales cathédrales mais de petites églises et de discrets monastères cachés dans la montagne.

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Tout ici est resté à l’échelle humaine, tout ici respecte la nature. Antique sagesse.

Je ne sais pas à qui il faut rendre hommage de ne pas avoir permis que des immondes barres d’hôtels viennent dénaturer le paysage, mais qu’il soit ici remercié. Même les limitations de vitesse (50kmh maximum) invitent à la lenteur, au temps juste.

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Quand vous vous installez dans une taverne (terme bien plus heureux que restaurant), vous passez commande, on ne vous amène pas VOTRE assiette mais une assiette vide par convive et les plats sont placés au milieu de la table invitant chacun à se servir de tout. Idem pour l’ouzo, rarement servi au verre, mais dans une petite carafe, avec des glaçons et autant de verres que de buveurs.

Harmonie et partage. Décidément une bien belle culture.